Offre de soins : Servon a frôlé la catastrophe

Nous le constatons tous, le système de santé français est significativement altéré.

Malaise à l’hôpital, urgences en souffrance, difficulté pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste et plus encore, des difficultés croissantes pour trouver un médecin traitant. Cela est la résultante de dizaines d’années de gestion comptable de la santé dans notre pays au travers d’une volonté de baisse drastique des coûts tant en milieu hospitalier qu’en ambulatoire. Dans ce dernier cas, la limitation du numerus clausus a entraîné une carence chronique en médecins généralistes et plus encore en médecins spécialistes. Les déserts médicaux sont en pleine expansion (exemple début mars 2024, fermeture de l’hôpital de Fougères la nuit). Mais revenons sur les évènements récents sur notre commune.

Épisode 1 : Face à une catastrophe annoncée, le déni

Début 2023, après le départ d’un des médecins, un autre prévu à brève échéance pour cause de retraite méritée, la situation était on ne peut plus préoccupante. En effet, la perspective était qu’il ne reste alors qu’un seul praticien pour une population servonnaise de près de 4000 habitants. Voire aucun, car ce dernier avait annoncé son souhait compréhensible de ne pas exercer seul. A l’évidence, une épée de Damoclès s’était installée au-dessus de l’offre de soins due à chaque administré.

A plusieurs reprises, dès janvier 2023, nous avons interpellé la majorité sur ce sujet prégnant. Malheureusement le discours qui nous a été retourné était à chaque fois abscons, technocratique et renvoyant même la responsabilité au corps médical et aux institutions comme l’Agence Régionale de Santé (ARS) pour toute réponse. De ce côté, lors d’une rencontre de la minorité avec l’ARS, étonnamment, la solution qui a été évoquée était que la population aille solliciter les médecins généralistes des communes voisines.  Bref, un réel déni institutionnel sur cette problématique.

Bien entendu, il est indispensable d’avoir une vision à long terme sur ce sujet. De mettre en cohérence l’évolution de la population en nombre et en spécificité pour organiser une offre de soins adaptée et pérenne, cela avec tous les partenaires concernés sur le territoire. Mais dans le cas présent, la question était de sauver l’offre de soins apportée par les médecins généralistes et d’agir urgemment en ce sens. Mais le mot urgence semblait hors de la compréhension de la majorité.

Épisode 2 : Du réveil brutal à la chance

Lors d’une commission municipale le 20 juillet 2023 (6 mois après), nous avons encore une fois tenté de faire entendre raison à la majorité sur l’urgence à agir. Et là encore le déni pour toute réponse. Mais l’électrochoc attendu n’a pas tardé puisque 7 jours plus tard, la maison médicale annonçait son intention de fermer définitivement fin septembre. Et là, comme par magie, le mot urgence fut de retour dans le vocabulaire de la majorité ! Et avec ce coup de défibrillateur, mobilisation générale dans leurs rangs (Enfin !).

Grâce à la mobilisation de la population et aux discussions engagées avec les médecins, une solution fut envisagée. En effet, nous avons à Servon la chance d’avoir un médecin pour lequel la santé de ses patients n’est pas un vain mot et son métier une réelle vocation. Le Dr Provost a ainsi accepté de prolonger son activité pendant un an, sauvant les meubles par son geste généreux. Cependant, nous entrions dans une logique d’offre médicale en mode dégradé car seules les personnes en Affection Longue Durée (ALD) et peu mobiles étaient acceptées en consultation. Les autres patients étant cordialement invités à rechercher un médecin ailleurs, s’ils en trouvent…

Second coup de chance, une nouvelle généraliste, la Dr Roquefere est venue s’installer au cabinet médical le 20 novembre 2023, donnant une respiration à l’offre de soins sur la commune, tout comme l’installation de deux sages-femmes en ce début d’année. A noter également l’acquisition par la commune de la maison médicale et le projet de son agrandissement, démarches que nous avons validées. En effet, nous pensons qu’une municipalité doit s’impliquer pour la santé de ses administrés, en lui procurant d’une part un environnement et un bien-être optimal, et d’autre part une offre de soins digne de ce nom. Mais nous partions de loin…

Conclusion

Si nous sommes satisfaits qu’un dénouement heureux soit intervenu à l’issue de cette crise, nous regrettons qu’il aura fallu frôler la catastrophe pour agir. Si gouverner, c’est prévoir, on peut dire que la majorité aura totalement manqué d’anticipation. Nos alertes justifiées et répétées n’avaient visiblement aucun poids à leurs yeux. Nous considérons que notre commune dispose de nombreux atouts : proximité de Rennes et de Vitré, voies de communication rapides, disponibilité de commerces et services d’un côté et de l’autre un environnement restant agréable et rural (pour le moment). Cela lui conférant une attractivité certaine pour de nouveaux praticiens et nombreux sont les moyens de leur faire savoir.

Un travail important reste à réaliser en ce sens car notre commune reste très en-deçà du niveau idéal en matière d’offre médicale. En effet, tenant compte de la population actuelle et des perspectives d’évolution, l’objectif cible en termes de nombre de médecins devrait être de 6.5 pour Servon (*). A noter que l’indisponibilité médicale a de nombreux impacts : report des consultations vers les urgences, délais d’attente importants, renoncement aux soins. Au niveau individuel, cela se traduit par une perte de chances pour le patient et au niveau global par une dégradation des chiffres de morbidité et de mortalité. Cela est bien sûr inacceptable. La municipalité doit faire son maximum pour protéger ce que ses concitoyens ont de plus cher, leur santé.

(*) : En moyenne en France 1 médecin généraliste pour 690 habitants (Source DREES 2023). Ce chiffre doit être vu comme l’indicateur d’une sous-densité de médecins généralistes en France.

Article tiré du n°2 de « L’écho du collectif », à retrouver ici